«2019-nCoV»: pour la troisième fois en moins de vingt ans, les coronavirus s’imposent en tête des flux médiatiques et des préoccupations sanitaires nationales et internationales. Ils viennent ainsi réveiller les inquiétudes plus générales, liées aux virus émergents inconnus ou partiellement connus qui touchent de manière récurrente l’espèce humaine.
«De multiples facteurs peuvent expliquer cette dynamique, pouvait-on lire il y a plus de cinq ans dans des Revues Médicales. Le plus important est certainement la capacité d’évolution et d’adaptation rapide de ces virus. L’augmentation des voyages et du commerce international ou encore les changements climatiques jouent également un rôle important. D’un autre côté, les tests de laboratoire et les organes de surveillance actuels sont de plus en plus performants. Ainsi, les transmissions de virus d’un réservoir animal à l’homme sont plus facilement détectables, accentuant l’impression d’augmentation du phénomène. Les prédictions virologiques ont une fiabilité très faible en épidémiologie. C’est une réalité que nous devons accepter et nous en adapter.»
Rien, depuis 2014, n’a changé, et le 2019-nCoV impose à nouveau de reprendre les termes de l’équation sanitaire posée par ces agents pathogènes. Seul un état de vigilance extrême aux échelons nationaux et internationaux permettra, dans les prochaines semaines, de définir, calibrer et orienter les politiques de prévention et de contrôle de la situation».
Que savons-nous des coronavirus (CoV)?
D’abord, qu’ils forment une grande famille virale pouvant, chez l’homme, causer des infections allant du simple rhume à des pathologies mortelles. Leur transmission se fait par voie aérienne, par contact direct avec des sécrétions ou par l’intermédiaire d’un objet contaminé. Pour être transmis à l’homme, un hôte intermédiaire est nécessaire.
Ces «virus à couronne» doivent leur nom au fait que, sous l’œil du microscope électronique, ils font étrangement songer à la couronne solaire. Les coronavirus constituent un genre de la famille des cororonaviridæ – génomes faits d’ARN, dotés d’une enveloppe et d’une capside de symétrie hélicoïdale.
Le 2019-nCoV est le septième représentant des coronavirus connus pour être capables d’infecter l’homme par voie pulmonaire. On connaissait les 229E, NL63, OC43 et HKU1. Deux autres furent découverts plus récemment, suscitant aussitôt une grande inquiétude à l’échelon international du fait de leur potentialité pathogène et de leur caractère contagieux. Ce fut tout d’abord le SARS-CoV, responsable d’une épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). Puis le MERS-CoV, à l’origine de l’épidémie du Middle East Respiratory Syndrome (MERS). Le premier avait, en 2002 et 2003, infecté en Chine plus de 8000 personnes et causé près de 800 morts. Quant au second, apparu en 2012 au Qatar et en Arabie saoudite, il fut au total à l’origine de plus de 1700 cas officiellement recensés, dont plus de 700 mortels.
Identifié en Chine chez des malades souffrant de «pneumonies d’origine inconnue», l’existence du virus a été notifiée le 31 décembre 2019 à l’OMS, qui lui a aussitôt attribué le nom de 2019-nCoV. Tout laisse aujourd’hui penser que le 2019-nCoV a émergé à partir d’un marché de la ville chinoise de Wuhan, où diverses espèces animales étaient présentes et commercialisées (poissons et produits de la mer, volailles, faisans, chauves-souris, marmottes…). Aucune vraie surprise: l’expérience montre que c’est là une situation qui favorise grandement les recombinaisons génétiques des virus animaux et qui augmente les risques de transmission de nouveaux virus pathogènes à l’espèce humaine. Ce marché chinois a été fermé le 1er janvier pour limiter la contagion – mais c’était déjà trop tard.
D’ores et déjà, l’analyse des séquences génomiques disponibles du 2019-nCoV permet de situer de manière de plus en plus précise son origine. Les premiers éléments connus le rapprochent du coronavirus responsable du SRAS (SRAS-CoV) – deux entités virales issues d’un coronavirus présent chez la chauve-souris.
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Une équipe dirigée par Xintian Xu (Institut Pasteur of Shanghai, Center for Biosafety Mega-Science, Chinese Academy of Sciences) vient de publier une première étude sur ce thème. Leurs résultats montrent que le nouveau coronavirus «partage avec les coronavirus du SRAS et analogues au SRAS un ancêtre commun qui ressemble au coronavirus de la chauve-souris HK9-1».Ce dernier avait été découvert en 2011 chez des roussettes en Chine. Il faut ici préciser que «roussette» est un nom vernaculaire qui, en français, peut désigner plusieurs espèces différentes de chauves-souris frugivores (flying foxes, ou renards volants, en anglais). «Pour l’instant, contrairement à ce qui s’est passé avec le SRAS, toutes les personnes en contact avec le 2019-nCoV ne développent pas des symptômes et la maladie. Néanmoins, les personnes asymptomatiques peuvent le transmettre à d’autres individus.»
Par Jean-Yves Nau
Santé Sénégal – le guide d’information de santé et prévention
Références
1 Cherpillod P, Kaiser L, Thomas Y, et al. Nouveaux virus : mythe, fantasme ou réalité ? Rev Med Suisse 2014;10 :1004-7.
2 Flahault A, Nau JY. Faut-il trembler face au virus chinois ? Slate.fr, 24 janvier 2020.
3 Xintian Xu, Ping Chen, Jingfang Wang, et al. Evolution of the novel coronavirus from the ongoing Wuhan outbreak and modeling of its spike protein for risk of human transmission.
Science China Life Sciences, https://doi.org/10.1007/s11427-020-1637-5
4 Benkimoun P. Le nouveau coronavirus aurait un ancêtre chez les chauves-souris. Le Monde du 25 janvier 2020.
5 Wei Ji, Wei Wang, Xiaofang Zhao, et al. Homologous recombination within the spike glycoprotein of the newly identified coronavirus 2019-nCoV may boostcross-species transmission from snake to human.
Journal of Medical Virology, doi: 10.1002/fut.22099.